Une ambulance hors d’usage a conduit son fils à la mort
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Une ambulance hors d’usage a conduit son fils à la mort
Une ambulance sans matériel médicalisé a conduit un jeune homme à la mort. Depuis, sa mère se bat en justice. La cour d’appel doit rendre son arrêt mardi prochain.
Le 4 avril prochain, cela fera six ans que Christophe, 37 ans, est mort d’un infarctus dans une ambulance privée. Monique, sa mère, se souvient du drame comme si c’était mercredi. Ce samedi soir-là, elle dormait tranquillement dans son appartement de Carmaux (Tarn) quand le téléphone a sonné, vers deux heures du matin.
"Mon autre fils, Sébastien, m’appelle, paniqué, en me disant que son frère va très mal. Christophe se tordait de douleur sur le canapé. Sébastien pensait qu’il allait mourir". Avant de prévenir sa mère, Sébastien appelle le Samu.
Le médecin régulateur écoute les symptômes décrits par Christophe. Il décide de garder son véhicule médicalisé pour un cas plus grave et appelle une compagnie privée d’ambulance. Après une demi-heure d’attente, Sébastien et Monique, qui est venue rejoindre ses deux fils, tombent des nues.
« Une vieille ambulance sans matériel »
L’ambulance est un vieux tacot défraîchi, d’une autre époque. A l’intérieur, aucun matériel médicalisé. "Les deux ambulanciers sont arrivés les mains vides dans l’appartement et nous ont dit que Christophe allait devoir se déplacer seul jusqu’à l’ambulance. Ils n’avaient même pas de brancard ! Je revois encore mon fils agonisant, à bout de forces, qui se lève avec courage, enfile ses baskets, sa parka, et descend les quatre étages à pied, car il n’y avait pas d’ascenseur", se souvient Monique.
Au pied de l’immeuble, les ambulanciers ne prennent pas la peine de rapprocher le véhicule. "On a dû marcher encore quelques mètres. Mon fils s’est assis à l’intérieur, il commençait à s’étouffer. Il a demandé des coussins pour tenir sa tête. Il n’y en avait pas. Il n’y avait rien. Je leur ai dit, affolée : “Appelez le Samu, vous voyez bien que c’est grave !”" Monique n’obtient aucune réponse.
Finalement, les ambulanciers finissent par appeler le Samu, qui leur répond que l’ambulance est suffisamment près de l’hôpital, qu’il n’y a pas de besoin d’envoyer un véhicule médicalisé. "C’était horrible, j’étais complètement impuissante. Soudain, j’ai entendu des hurlements affreux. C’était mon fils qui s’étouffait à côté de moi. Je n’ai rien pu faire. Les deux ambulanciers n’avaient rien pour lui administrer les premiers secours. Quand nous sommes enfin arrivés à l’hôpital, il est devenu bleu et a fermé les yeux. Une heure et demie plus tard, on est venu m’annoncer que mon fils était décédé d’un infarctus. Je me suis effondrée. Si le Samu était venu ce soir-là, mon fils serait en vie. Personne ne l’a sauvé".
« Je veux qu’ils soient punis »
"En colère contre la Terre entière de n’avoir rien fait" pour ce fils "si gentil, si aimant", Monique a porté plainte et s’est portée partie civile. Non seulement contre les ambulanciers, mais aussi contre trois médecins que Monique avait joints quatre jours durant avant le drame et qui n’avaient pas su détecter la gravité de l’état de Christophe. "Il était mal depuis quatre jours et personne ne l’a vu. On m’a dit qu’il n’avait rien, qu’il avait un rhume, une bronchite, que ça passerait…"
Une succession de dysfonctionnements qui ont conduit Christophe à mourir sous les yeux de sa mère. Le premier procès a eu lieu le 25 septembre 2008, à Albi. Les ambulanciers ont été relaxés, mais les trois médecins ont été condamnés à un an de prison avec sursis. Furieux, ils ont fait appel. L’arrêt doit être rendu mardi prochain. Monique attend ce jugement avec impatience. "Je veux qu’ils soient punis pour la mort de mon fils".
Farid Benassine, 58 ans, ambulancier à Nantes
"Ma journée n’a ni début ni fin"
Dans la profession depuis plus de vingt ans, Farid s’accroche à un métier qu’il aime mais qu’il pratique dans des conditions qu’il déplore.
Il vient de raccompagner une dame de 85 ans chez elle, satisfait d’avoir pu lui apporter "un peu de quiétude". A 58 ans, Farid Benassine, ambulancier à Nantes, ne le cache pas : il aime son métier. "J’ai deux bras, deux jambes, une tête qui marche encore correctement, et quand je vois mes patients, je me dis que tout ne va pas si mal". Les conditions de son travail, pourtant, ne le font pas sourire : "Ma journée n’a ni début, ni fin. Je pars le soir et j’apprends en rentrant chez moi à quelle heure je commence le lendemain". Une journée qui peut commencer à 5h00, s’allonger jusqu’à minuit, avec douze heures d’amplitude générale.
Au jour le jour
Impossible, dans ces conditions, de se concocter un emploi du temps. "J’apprends la veille si j’ai un jour de repos, donc je ne peux absolument rien prévoir". Et Farid de regretter : "J’ai 58 ans et je n’ai jamais pu amener ou ramener mes enfants de l’école une seule fois dans ma vie. Il faut avoir une femme extraordinaire pour comprendre et gérer cela".
Autour de lui, le vide s’est fait : "Pour 1200 € par mois, j’ai plein de copains qui sont partis faire de la manutention ou d’autres choses, il voulait des horaires normaux, une vraie vie". La "grosse sirène" et la "belle ambulance" ont depuis longtemps cessé de fasciner Farid, mais il s’accroche "pour le bonheur de pouvoir se sentir vraiment utile". Une joie à lourde contrepartie.
Le 4 avril prochain, cela fera six ans que Christophe, 37 ans, est mort d’un infarctus dans une ambulance privée. Monique, sa mère, se souvient du drame comme si c’était mercredi. Ce samedi soir-là, elle dormait tranquillement dans son appartement de Carmaux (Tarn) quand le téléphone a sonné, vers deux heures du matin.
"Mon autre fils, Sébastien, m’appelle, paniqué, en me disant que son frère va très mal. Christophe se tordait de douleur sur le canapé. Sébastien pensait qu’il allait mourir". Avant de prévenir sa mère, Sébastien appelle le Samu.
Le médecin régulateur écoute les symptômes décrits par Christophe. Il décide de garder son véhicule médicalisé pour un cas plus grave et appelle une compagnie privée d’ambulance. Après une demi-heure d’attente, Sébastien et Monique, qui est venue rejoindre ses deux fils, tombent des nues.
« Une vieille ambulance sans matériel »
L’ambulance est un vieux tacot défraîchi, d’une autre époque. A l’intérieur, aucun matériel médicalisé. "Les deux ambulanciers sont arrivés les mains vides dans l’appartement et nous ont dit que Christophe allait devoir se déplacer seul jusqu’à l’ambulance. Ils n’avaient même pas de brancard ! Je revois encore mon fils agonisant, à bout de forces, qui se lève avec courage, enfile ses baskets, sa parka, et descend les quatre étages à pied, car il n’y avait pas d’ascenseur", se souvient Monique.
Au pied de l’immeuble, les ambulanciers ne prennent pas la peine de rapprocher le véhicule. "On a dû marcher encore quelques mètres. Mon fils s’est assis à l’intérieur, il commençait à s’étouffer. Il a demandé des coussins pour tenir sa tête. Il n’y en avait pas. Il n’y avait rien. Je leur ai dit, affolée : “Appelez le Samu, vous voyez bien que c’est grave !”" Monique n’obtient aucune réponse.
Finalement, les ambulanciers finissent par appeler le Samu, qui leur répond que l’ambulance est suffisamment près de l’hôpital, qu’il n’y a pas de besoin d’envoyer un véhicule médicalisé. "C’était horrible, j’étais complètement impuissante. Soudain, j’ai entendu des hurlements affreux. C’était mon fils qui s’étouffait à côté de moi. Je n’ai rien pu faire. Les deux ambulanciers n’avaient rien pour lui administrer les premiers secours. Quand nous sommes enfin arrivés à l’hôpital, il est devenu bleu et a fermé les yeux. Une heure et demie plus tard, on est venu m’annoncer que mon fils était décédé d’un infarctus. Je me suis effondrée. Si le Samu était venu ce soir-là, mon fils serait en vie. Personne ne l’a sauvé".
« Je veux qu’ils soient punis »
"En colère contre la Terre entière de n’avoir rien fait" pour ce fils "si gentil, si aimant", Monique a porté plainte et s’est portée partie civile. Non seulement contre les ambulanciers, mais aussi contre trois médecins que Monique avait joints quatre jours durant avant le drame et qui n’avaient pas su détecter la gravité de l’état de Christophe. "Il était mal depuis quatre jours et personne ne l’a vu. On m’a dit qu’il n’avait rien, qu’il avait un rhume, une bronchite, que ça passerait…"
Une succession de dysfonctionnements qui ont conduit Christophe à mourir sous les yeux de sa mère. Le premier procès a eu lieu le 25 septembre 2008, à Albi. Les ambulanciers ont été relaxés, mais les trois médecins ont été condamnés à un an de prison avec sursis. Furieux, ils ont fait appel. L’arrêt doit être rendu mardi prochain. Monique attend ce jugement avec impatience. "Je veux qu’ils soient punis pour la mort de mon fils".
Farid Benassine, 58 ans, ambulancier à Nantes
"Ma journée n’a ni début ni fin"
Dans la profession depuis plus de vingt ans, Farid s’accroche à un métier qu’il aime mais qu’il pratique dans des conditions qu’il déplore.
Il vient de raccompagner une dame de 85 ans chez elle, satisfait d’avoir pu lui apporter "un peu de quiétude". A 58 ans, Farid Benassine, ambulancier à Nantes, ne le cache pas : il aime son métier. "J’ai deux bras, deux jambes, une tête qui marche encore correctement, et quand je vois mes patients, je me dis que tout ne va pas si mal". Les conditions de son travail, pourtant, ne le font pas sourire : "Ma journée n’a ni début, ni fin. Je pars le soir et j’apprends en rentrant chez moi à quelle heure je commence le lendemain". Une journée qui peut commencer à 5h00, s’allonger jusqu’à minuit, avec douze heures d’amplitude générale.
Au jour le jour
Impossible, dans ces conditions, de se concocter un emploi du temps. "J’apprends la veille si j’ai un jour de repos, donc je ne peux absolument rien prévoir". Et Farid de regretter : "J’ai 58 ans et je n’ai jamais pu amener ou ramener mes enfants de l’école une seule fois dans ma vie. Il faut avoir une femme extraordinaire pour comprendre et gérer cela".
Autour de lui, le vide s’est fait : "Pour 1200 € par mois, j’ai plein de copains qui sont partis faire de la manutention ou d’autres choses, il voulait des horaires normaux, une vraie vie". La "grosse sirène" et la "belle ambulance" ont depuis longtemps cessé de fasciner Farid, mais il s’accroche "pour le bonheur de pouvoir se sentir vraiment utile". Une joie à lourde contrepartie.
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